« En Thérapie » d’Arte : vous aussi, prenez place sur le divan

Par Dr Fanny Jacq · Médecin Psychiatre · Mis à jour le 9 mars 2021

Est-ce vraiment possible de ne pas payer sa séance de thérapie ? Le Dr. Dayan est-il un vrai médecin ? Dans quel type de thérapie se lancer ? Comment savoir si on a besoin de voir quelqu’un ? Comment rendre la thérapie accessible à tous ? Le Dr. Jacq, psychiatre et directrice de la santé mentale chez Qare, décrypte la série qui change notre regard sur les consultations chez le psy.

[ Attention spoiler : il est conseillé d’avoir regardé le début de la série avant de lire cet article. ]

Dr. Dayan, vrai médecin ou “charlatan” ?

Le Dr. Dayan est évidemment loin d’être un charlatan, contrairement à ce que peuvent dire certains de ses patients. D’ailleurs, ce mot revient souvent lorsqu’on veut discréditer la profession. Le Dr. Dayan est un médecin psychiatre. Indice : on le voit faire une prescription à l’un de ses patients. Il faut savoir que les psychanalystes ne sont pas tous médecins, certains sont des psychologues qui ont suivi des études de psychologie, et non de médecine.

Tous les psys ne sont pas psychanalystes : pour compléter sa formation, le Dr Dayan a suivi une spécialisation en psychanalyse. Il a été formé pour ça et a suivi une psychanalyse lui-même. Il s’agit d’une méthode thérapeutique qui permet à travers la parole de comprendre nos processus psychiques enfouis et inconscients.

La formation en psychanalyse est ouverte à tous, c’est pour cela qu’il existe aussi des charlatans. Pour trouver un psy compétent, on fait souvent appel au bouche-à-oreille. On peut demander une recommandation à son médecin traitant ou bien à ses connaissances.

Est-ce que la thérapie est plus efficace si on s’allonge sur le divan ?

Dans la série, les personnages sont assis face à leur thérapeute, ce qui n’est pas courant en psychanalyse. Les patients sont généralement allongés sur le divan, même si l’on peut déroger à la règle, cela dépend surtout du patient. Cette position permet de ne pas sentir le regard du thérapeute, de se sentir moins jugé et donc d’avoir une parole plus libre et spontanée.

Si le Dr. Dayan et ses patients consultent en face à face, c’est surtout pour une question de mise en scène. Mais, dans les faits, il existe une multitude de pratiques chez les psys et il est vrai aussi que de nombreux professionnels de la santé mentale consultent en face à face.

Sinon, il est également possible de consulter un psy en téléconsultation. Vous pouvez consulter depuis chez vous devant un ordinateur ou votre téléphone. Certains patients préfèrent cette modalité qui offre plusieurs avantages, comme une plus grande flexibilité au niveau des horaires.

Savoir qu’on peut consulter à distance peut aider certaines personnes à franchir le pas.

Comment faciliter la consultation psy en période de covid-19 ?

Commencer à voir un psy pendant cette période peut sembler compliqué, mais les cabinets restent ouverts. De plus, il est possible de passer par la téléconsultation. Cela évite de devoir se déplacer en cabinet, ce qui peut être un frein pour certains. Sachant que la crise sanitaire peut déclencher ou exacerber des problèmes de santé mentale, il est essentiel de consulter si on en ressent le besoin.

La téléconsultation est une pratique qui est vraiment complémentaire aux séances en présentiel et qui peut être plus adaptée à certains patients. Adel en est un bon exemple, il avait beaucoup de réticences au début. Savoir qu’on peut consulter à distance peut aider certaines personnes à franchir le pas.

Cela permet également de maintenir le lien thérapeutique si on ne peut pas se déplacer. En téléconsultation, le psy peut mieux connaître l’environnement du patient ou même son entourage, sans être trop intrusif. Un psy peut être amené à proposer cette solution en fonction des contraintes ou du profil du patient. Certaines thérapies s’y prêtent très bien.

en thérapie arte

Il est souvent plus facile de consulter son psy le soir ou le week-end. On a également la possibilité de parler à son psy quand on en a besoin car on n’est pas obligé de garder un rendez-vous fixe. On peut être plus flexible sur ce point en téléconsultation.

La série est une sorte de condensé de ce qu’il se passe lors des séances.

Les psys livrent-ils autant de conclusions et d’interprétations en séance que dans la série ?

Cela peut dépendre du type de thérapie, mais la série est une sorte de condensé de ce qu’il se passe lors des séances. Normalement, il faut beaucoup plus de séances pour que le thérapeute pose un diagnostic ou des interprétations. Par ailleurs, il est préférable que ce soit le patient qui y parvienne de lui-même. Le patient doit faire son propre cheminement. Ici, le Dr. Dayan dépasse un peu le cadre de la thérapie psychanalytique classique, mais certains thérapeutes sont aussi moins puristes.

20 à 30 minutes, est-ce assez long pour une séance ?

Pour une psychanalyse lacanienne, 20 minutes est un temps suffisant. Évidemment, pour certaines séances, on peut dépasser un peu. Ça peut paraître court, mais en réalité on a le temps d’élaborer. D’ailleurs, les séances peuvent parfois être assez fatigantes pour les patients, voire éprouvantes selon les sujets abordés.

Le prix des séances se fait-il vraiment à la tête des patients ?

En général, les honoraires des psys sont fixes mais ils peuvent être adaptés selon la situation financière du patient et parfois selon la prise en charge de l’Assurance Maladie ou de la mutuelle. D’ailleurs, la consultation et la téléconsultation de médecins psychiatres est prise en charge par l’Assurance Maladie. Mais, certains psychiatres séparent leur pratique médicale de la psychanalyse. Donc, certaines consultations peuvent être prises en charge et d’autres non. Enfin, certains thérapeutes préfèrent faire payer le patient en liquide, car cela fait aussi partie de la démarche thérapeutique.

En revanche, on voit que les patients du Dr. Dayan ne payent pas pour chaque séance, ce n’est pas quelque chose qui se pratique couramment. Donc, ne vous attendez pas à cela lorsque vous consultez.

Est-ce que les psys ont tous besoin d’aller voir un psy ?

Les psychanalystes ont souvent ce qu’on appelle un superviseur ou un « contrôleur ». Ce n’est pas obligatoire, mais c’est recommandé. On demande un peu au psy de « balayer devant sa porte » afin que ses problèmes n’aient pas d’impact sur sa pratique. Lors de ces séances, le psy peut évoquer ses patients mais aussi ses difficultés personnelles.

En effet, lorsqu’un psy écoute des patients, cela peut le renvoyer à des situations personnelles qui peuvent influencer la thérapie du patient. Avoir un superviseur permet d’éviter cela et de maintenir la bonne distance avec le patient : l’idée étant de ne pas tomber dans la sympathie ni dans l’antipathie avec le patient.

Les psys peuvent tomber amoureux de leurs patients, mais c’est un sujet très tabou dans ce milieu.

Avoir un superviseur aurait-il empêché le Dr. Dayan de tomber amoureux d’Ariane ?

Non, pas forcément. Être supervisé permet d’identifier ce qu’on ressent mais pas d’empêcher ses sentiments. C’est irrépressible.

Les psys peuvent tomber amoureux de leurs patients, mais c’est un sujet très tabou dans ce milieu. La relation thérapeutique est très intime et très particulière, et les relations thérapeutes et patients existent. Néanmoins, le cadre de la thérapie fait tout pour les éviter. Si cela se produit, l’idéal est d’arrêter la thérapie et de réorienter le patient.

Les patients de la série s’intéressent beaucoup à la vie privée de leur thérapeute. Certains sont même dans le conflit. Est-ce normal ?

Les patients de la série sont très curieux de la vie du Dr. Dayan. Dans la réalité, les patients expriment beaucoup moins cette curiosité. Il arrive que les patients posent des questions pour avoir l’avis du thérapeute, mais cela peut prendre du temps avant que le patient se sente en confiance. A l’inverse, certains préfèrent ne pas connaître l’avis de leur thérapeute par peur de la réponse.

Et que dire de ces patients qui mettent leurs chaussures sur le divan ? Cela peut interpeller, et cela n’a sûrement pas été fait au hasard. C’est peut-être une façon de s’approprier l’objet ou de montrer ses pulsions agressives. Dans la réalité, c’est plutôt rare de tomber sur des patients qui expriment autant leurs pulsions agressives.

Les problèmes des patients du Dr. Dayan sont-ils réalistes ?

On a dans la série un profil de patients assez varié dont les problèmes correspondent à des réalités.

  • Le couple traverse ce qu’on appelle une crise évolutive, une épreuve comme beaucoup de couples peuvent le vivre. On décèle chez le partenaire une peur de l’abandon.
  • Adel, le policier, vient pour un problème très précis. Il a vécu un traumatisme et présente des symptômes type crise d’angoisse. Il est au début très réticent à la thérapie mais finit par s’assouplir. Cela montre que même si l’on a des blocages, la thérapie peut aider.
  • Dans la vraie vie, on a aussi des patients comme Camille, qui ne viennent pas pour eux mais pour des raisons médico-légales. C’est très caractéristique des consultations chez le psychiatre.
  • Enfin, on a Ariane, dont on ne connaît pas la raison initiale de sa démarche. En tout cas, on voit qu’elle se cherche, qu’elle a envie de se connaître. C’est aussi un autre profil de patient. On n’est pas obligé de venir pour une raison ou un problème précis. On peut également consulter parce qu’on a envie d’en savoir plus sur soi-même.

La pratique psychanalytique et la consultation psy en général est très ouverte aux différences.

La psychanalyse, est-ce que c’est pour tout le monde ?

La série force le trait et reprend quelques clichés : le divan, le psychanalyste parisien qui consulte dans un appartement bourgeois du centre de Paris… Mais la série montre aussi une diversité de patients, d’origine sociale, d’âge… La pratique psychanalytique et la consultation psy en général est très ouverte aux différences. Consulter un professionnel de la santé mentale n’est pas réservé à une élite. L’important, c’est de trouver le “bon” praticien : celui qui va correspondre à ses attentes et besoins. C’est pourquoi il ne faut pas hésiter à en changer si, comme on dit familièrement, le courant ne passe pas.

Avec la participation du Dr Thanh Agullo.