Comment détecter des signes de dépression sévère, comment aider à prévenir le suicide ?

Par Dr Fanny Jacq · Médecin Psychiatre · Mis à jour le 16 octobre 2020

Contenu validé par la Direction médicale de Qare.

Avec environ 10 000 décès par an, la France présente un des taux les plus élevés de suicide en Europe. Le taux de décès liés au suicide atteint 27, 7 décès pour 100 000 habitants chez les hommes et 8,1 pour 100 000 habitants chez les femmes. Le nombre de tentatives de suicide est en revanche plus important chez les femmes (données 2018 de l’Observatoire National du Suicide).

Quelles sont les populations à risque ?

Le suicide est la troisième cause de mortalité chez les 15-19 ans, les adolescents représentent donc une population à risque et une tentative de suicide chez cette tranche d’âge n’est pas anodine ne doit pas être mise sur le compte de ce que l’on appelle communément une « crise d’ado ». Les personnes de plus de 70 ans sont également vulnérables psychologiquement et une personne âgée accomplissant un geste suicidaire est en général animée d’une détermination forte dont le geste entraine fréquemment le décès.

Voici également un certain nombre de facteurs de risque qui peuvent donner l’alerte :

  • Une personne qui présente des antécédents personnels ou familiaux de maladie psychiatrique (dépression, trouble bipolaire, schizophrénie, angoisse) ou qui présente des antécédents (pour lui ou sa famille) de tentatives de suicide est considérée comme plus fragile.
  • Les événements de vie négatifs comme les pertes parentales, le divorce, le chômage, les difficultés financières, l’isolement social, la maladie, le harcèlement chez les jeunes, le burn out sont des moments de vie à risque.
  • L’histoire de vie, notamment l’enfance a aussi une valeur de vulnérabilité (carence affective, perte d’un parent, maltraitance…) ou au contraire de protection (structure familiale stable, soutien familial et amical, bon équilibre de vie…).

Comment détecter les signes avant-coureurs ?

Tout d’abord quelques idées reçues sur le suicide dont il faut se débarrasser !

  • Le suicide n’est ni un acte de courage, ni un acte de lâcheté, ni réellement un choix consenti librement. C’est plutôt une mauvaise solution pour une personne qui n’arrive pas à trouver d’autre issue face à une souffrance devenue insupportable.
  • Il est faux de croire que les personnes qui parlent de suicide le font pour « attirer l’attention » et ne passeront pas à l’acte. En effet, 8 personnes sur 10 qui se sont suicidées en ont parlé à un membre de l’entourage en amont de leur geste.
  • Parler ouvertement du suicide à une personne que l’on sent fragile ne va pas plus lui donner « envie de le faire ». Au contraire, cela va lui permettre d’exprimer ses difficultés, sa souffrance, de se sentir écoutée et momentanément soulagée.

Il est donc très important d’être à l’écoute et de ne pas négliger l’expression d’idées de suicide quel que soit sa forme : dessins chez l’enfant, courriers, SMS, discours direct (« je veux mourir », « je n’en plus de cette vie » …) ou indirect (« je veux faire un long voyage », « vous seriez mieux sans moi »).

Les comportements de retraits, les personnes « trop calmes » (notamment les ados), le fléchissement scolaire ou le désinvestissement professionnel et familial ou au contraire des conduites d’opposition, de mises en danger, de violence, des conduites agressives, des consommations de toxiques ou d’alcool, des fugues chez les ados sont des signes qui peuvent donner l’alerte. Le don d’objets, les « grands ménages », les rédactions de testament d’une personne qui « prépare son départ » sont aussi des signes à prendre en compte.

Tout symptôme de dépression : angoisse, troubles du sommeil, pleurs, idées noires, dévalorisation, culpabilité, ralentissement, perte d’appétit, perte d’entrain…. est également à prendre en considération car environ 80% des tentatives de suicide se font dans un contexte d’épisode dépressif plus général.
Il est toutefois loin d’être évident de détecter ces signes qui peuvent varier d’un individu à l’autre, et parfois sous un extérieur jovial se cache un projet suicidaire clair et pourtant indétectable par les proches.

Que faire en cas d’idées suicidaires pour soi ou un proche ?

Il est très important de pouvoir exprimer ses idées suicidaires, d’oser en parler sans honte, sans crainte d’être jugé, simplement pour être entendu, soit par un proche soit par un professionnel. De nombreuses dispositifs existent : les urgences des hôpitaux ou même le SAMU ou les pompiers si nécessaire, les « hotline » d’écoute type Suicide Écoute ou SOS Amitiés, les consultations avec un médecin généraliste ou un psychiatre, les consultations vidéos avec un professionnel de la santé mentale (psychiatre ou psychologue) qui possède l’avantage d’avoir très peu de délai d’attente.

  • Si un proche exprime des idées suicidaires ou si vous détectez chez lui des signes d’alerte, accompagnez le vers un lieu d’expression, restez avec lui jusqu’à ce qu’il soit pris en charge par un professionnel et ne prenez jamais à la légère ces manifestations.
  • Souvent chez l’adolescent une crise suicidaire peut nécessiter une hospitalisation de quelques jours afin de rompre avec le milieu habituel et de s’éloigner des facteurs déclencheurs.
  • Adoptez toujours une attitude d’écoute, d’accompagnement, bienveillante, sans jugement, sans discours moralisateur, offrez-lui du réconfort et de la compréhension.
  • Tentez d’évaluer le risque suicidaire immédiat et organisez-vous afin de ne jamais laisser seule une personne chez qui un risque suicidaire a été détecté.
  • Aidez la personne à trouver des solutions sans le faire à sa place.
  • Aidez la à prendre du recul.
  • Agissez calmement pour donner un sentiment de contrôle de la situation et de réassurance.
  • Respectez vos propres limites et n’assumez pas seul la situation.
  • Ne faites pas de promesses que vous ne pourrez peut être pas tenir ( par exemple, « ne t’en fais pas je ne le dis à personne »)

Pour en savoir plus :