Santé mentale : mon enfant est-il à risque ? L’avis d’une pédopsychiatre

Par Zoé F. · Rédactrice web santé · Mis à jour le 28 juin 2021

Contenu validé par la Direction médicale de Qare.

La pédopsychiatre Dr. Nathalie Ferrant-Otormin répond aux questions de Qare sur la santé mentale des enfants en période de pandémie. Quelles sont les conséquences possibles de la pandémie sur les enfants à court et moyen terme ? Comment repérer les premiers signes de trouble ? Que peuvent faire les parents pour les prévenir ? Et, surtout, quand et qui consulter ?

Qare – Dans quelle mesure la pandémie a-t-elle produit des effets sur la santé mentale des plus petits (enfants de -10 ans) ?

Dr Ferrant-Otormin – Dans l’hôpital où je travaille, par exemple, nous avons observé une croissance des demandes d’environ 20 % depuis le début de la pandémie, et nous avons dû demander un poste supplémentaire de psychologue ciblé sur les urgences en pédopsychiatrie.

Cette hausse peut en partie être attribuée à la pandémie, même si le lien n’est pas toujours évident. La pandémie provoque inévitablement des peurs qui se répercutent sur les enfants, d’autant plus s’il y a quelqu’un de fragile dans la famille. Ils sont conscients qu’ils sont vecteurs de contamination, et expriment très clairement leurs peurs. De plus, les parents anxieux peuvent transmettre leurs angoisses sans le vouloir. Cela se manifeste parfois par des refus scolaires anxieux. Les enfants ont souvent du mal à comprendre pourquoi ils doivent aller à l’école, alors que leurs parents restent à la maison.

Les confinements ont évidemment joué un rôle dans cette dégradation. La plupart des enfants ont plutôt bien accepté la situation au début du premier confinement, mais beaucoup moins lors du second. C’est comme si cela avait rouvert la blessure traumatique, d’autant plus pour ceux qui ont connu un cas grave dans leur famille.

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« Concernant le décrochage scolaire, on estime qu’environ 4 % des élèves (tous niveaux confondus) ont disparu des radars. »

Q – Quelle est la proportion d’enfants concernés ?

Dr. F-O – Nous manquons encore de recul sur la question, et il faudrait croiser les données avec les chiffres de l’Education Nationale. Concernant le décrochage scolaire, on estime qu’environ 4 % des élèves (tous niveaux confondus) ont disparu des radars lors du premier confinement. Beaucoup d’enfants sont encore en grande difficulté malgré le retour en classe en présentiel, et d’autres ont malheureusement pu décrocher depuis.

Les écoles peuvent mettre en place des systèmes pour les enfants les plus en difficulté. Il est notamment possible de les autoriser à venir en classe à tous les cours, et pas seulement en demi-groupe.

décrochage scolaire

« Que ce soit à l’hôpital ou en libéral, on retrouve souvent les mêmes motifs de consultation. »

Q – Quelles sont les principales pathologies de santé mentale qui touchent les enfants ?

Dr. F-O – Que ce soit à l’hôpital ou en libéral, on retrouve souvent les mêmes motifs de consultation, qui sont :

  • Les troubles du comportement, qui résultent souvent d’un problème éducatif. Les parents se sentent démunis, dépassés et ont besoin de soutien. Ils peuvent aussi exprimer des symptômes dépressifs ou des pathologies psychiatriques sous-jacentes.
  • Les troubles de l’attention dont le diagnostic est souvent évoqué par l’école, avec ou sans hyperactivité.
  • Les troubles de l’apprentissage qui peuvent inclure des troubles du langage oral ou écrit (dyslexie, dysorthographie…), des troubles psychomoteurs fin ou globaux (dysgraphie) et des troubles neuro-développementaux (dyspraxie).
  • Un bilan orthophonique peut être nécessaire dans ces cas.
  •  Un bilan psychomoteur ou en ergothérapie peut aussi intervenir dans le traitement des troubles moteurs et psychomoteurs.
  • Enfin, les enfants peuvent également avoir besoin d’un suivi en neuropédiatrie.
  • Les troubles du spectre autistique qui, parce qu’ils sont diagnostiqués tard, peinent à être correctement pris en charge, et doivent être orientés sur des plateformes spécialisées.
  • Des états dépressifs et suicidaires chez les adolescents.
  • Les addictions aux jeux vidéos et les troubles des conduites alimentaires

« Les problèmes d’attention et d’apprentissage sont accentués par le fait qu’il y a trop de distractions environnantes. »

Q – La pandémie a-t-elle aggravé ces phénomènes ?

Dr. F-O – La pandémie est venue s’ajouter à des problèmes déjà existants. Il y a souvent un terrain déjà compliqué, comme un divorce ou un décès dans la famille. Les problèmes d’attention et d’apprentissage sont accentués par le fait qu’il y a trop de distractions environnantes. Certains enfants nous rapportent qu’ils n’hésitent pas à aller sur les réseaux sociaux pendant leurs cours en ligne. Il est également beaucoup plus difficile de rester concentré sur un écran que dans une salle de classe.

Q – Avec quelles conséquences à moyen et long terme pour le développement de l’enfant ?

Dr. F-O – Les retards d’apprentissage sont difficiles à rattraper, d’autant plus s’ils ne sont pas pris en charge assez tôt. Il faut mettre en place des aménagements spécifiques dès le plus jeune âge. L’anxiété et les phobies (sociales, des microbes…) sont des troubles qui peuvent s’installer sur le long terme et laisser des séquelles. Le principe est le même : plus on s’en occupe tôt, plus les chances de guérison s’améliorent.

« Il y a des enfants qui ne peuvent malheureusement pas bénéficier d’aide pour leurs devoirs. »

Q – Au-delà de la pandémie, quels peuvent être les facteurs aggravants ?

Dr. F-O – Les difficultés sont plus fréquentes et plus importantes dans les familles déjà fragilisées d’un point de vue économique. Il y a des familles qui vivent dans de petits espaces, ce qui génère des conflits et peut conduire à des situations explosives.

Les difficultés économiques génèrent évidemment des problèmes pour les fournitures en matériel. J’ai connu l’exemple d’une famille qui n’avait qu’un seul ordinateur pour toute la maison. Cela demande beaucoup d’efforts et d’adaptation de la part des parents. En plus de cela, il y a des enfants qui ne peuvent malheureusement pas bénéficier d’aide pour leurs devoirs. À l’inverse, il y a des parents qui préfèrent faire les devoirs de leurs enfants, ce qui ne leur rend pas service à terme !

D’autres facteurs entrent aussi en compte. L’hyperconnexion aux écrans, les jeux vidéo peuvent nuire au bon développement de l’enfant. Cependant, si l’enfant passe beaucoup de temps sur le téléphone, il faut également se rappeler qu’à cet âge, on a d’autres préoccupations. C’est aussi le moyen pour eux de maintenir le contact avec leurs amis.

pandémie santé mentale

Q – Comment les parents peuvent-ils évaluer la santé mentale de leur enfant ?

Dr. F-O – Généralement les parents remarquent quand il y a un problème, il faut leur faire confiance. Ils connaissent leurs enfants et voient très bien lorsqu’ils commencent à changer de comportement et que cela devient anormal. C’est pour cela que je vois rarement des parents consulter sans raison valable, même si parfois, c’est finalement plus à eux qu’à leur enfant que la consultation va servir.

Q – À quels signaux les parents doivent-ils être attentifs ?

Dr. F-O – Les signaux que l’on peut retrouver sont très variés. La perte de motivation, le repli sur soi, la dévalorisation de soi, le besoin de rester dans le cocon de la maison, sont des signaux de tristesse chez les enfants. Lorsqu’un enfant ne prend plus soin de lui, arrête d’appeler ses copains et de pratiquer les activités qu’il aime, qu’il est toujours fatigué et ne veut rien faire, il faut s’inquiéter.

Ces troubles peuvent évoluer et entraîner l’apparition de tics et de tocs, de phobies, de trouble du comportement alimentaire ou encore une baisse des notes en classe. Ces symptômes doivent également être pris au sérieux.

« L’école joue également un rôle de lanceur d’alerte car elle repère les enfants en difficulté. »

Q – Quand la consultation avec un pédopsychiatre est-elle la solution recommandée ?

Dr. F-O – Les demandes de consultation de parents sont rarement injustifiées. Parfois, même une seule séance suffit à recadrer les choses. Les parents ont souvent besoin d’être rassurés, et ces séances peuvent les aider et servir à titre préventif.

L’école joue également un rôle de lanceur d’alerte car elle repère les enfants en difficulté. Cependant, il est parfois un peu tard pour commencer la prise en charge. Les troubles de l’apprentissage doivent faire l’objet d’un suivi le plus tôt possible. Donc si vous notez un problème, il ne faut pas hésiter à consulter.

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Q – Comment préparer son enfant à une consultation avec un pédopsychiatre ? Que lui dire sans l’alarmer ?

Dr. F-O – Vous pouvez le rassurer en lui expliquant que tout ce qui est dit avec le psy reste secret, et qu’il peut donc parler en toute confiance. Il ne faut surtout pas forcer la rencontre. C’est au pédopsychiatre de créer le lien avec l’enfant.

En général, les premières consultations se font avec un seul parent, le plus souvent la maman, avec ou sans l’enfant. Le psy échange avec le parent en présence de l’enfant qui écoute, tout en pouvant intervenir quand il le souhaite. Ce moment d’échange avec le parent soigne autant que si on lui parlait à lui. En fonction de son âge, il est possible de le voir seul en séance ou de ne faire intervenir le parent qu’en fin de séance par exemple.

« La pandémie a bouleversé les routines. L’une des premières recommandations à donner est de ritualiser la journée. »

Q – Comment les parents peuvent-ils accompagner leur enfant dans les phases de déprime ou mal-être passager ?

Dr. F-O – La pandémie a bouleversé les routines. L’une des premières recommandations à donner est de ritualiser la journée. Prendre le petit-déjeuner en famille, s’habiller avant de commencer les cours ou le travail, dîner ensemble, se raconter sa journée, aller promener le chien en famille. Ce sont des moments de liberté au cours desquels les membres de la famille redécouvrent comment faire les choses ensemble.

Certains enfants ou adolescents présentent des problèmes de comportement, mais cela relève plus de l’éducatif que d’une prise en charge psychologique. Vous pouvez essayer de passer des contrats avec eux, pour qu’ils passent certaines périodes sans écran, par exemple. Essayez de passer également plus de temps avec eux. Vous pouvez proposer de cuisiner ensemble, de mettre la table ensemble, de regarder une série ensemble : cela permet de recréer du dialogue et du lien.

Un autre conseil que je peux apporter est de limiter l’exposition aux chaînes d’information en continu. Il faut faire attention aux images que les enfants regardent. C’est aux parents de préserver les enfants de l’angoisse et d’avoir un rôle de filtre. Mieux vaut lire la presse, qui favorise une certaine distanciation, et leur expliquer ce qu’il se passe.

Enfin, n’hésitez pas à consulter votre médecin généraliste. Beaucoup de parents n’osent pas “déranger” pour un motif autre que la COVID. Or c’est tout à fait légitime, tout le monde a besoin de vider son sac, sauf qu’il n’y a plus les réunions entre amis pour le faire ! Vous pouvez également vous orienter vers la téléconsultation pour consulter depuis chez vous et ainsi éviter la salle d’attente et gagner du temps.